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Pour plus de prévention

30.5.2024

Le marché mondial de la santé est estimé à près de 7 000 Milliards de dollars, dont 80% de biens et services de santé à proprement parler et 20% de biens et services non médicaux consommés à des fins de maintien ou d’amélioration de la santé.

Malgré ce niveau de dépenses, de nombreuses promesses en santé demeurent non tenues. 

En particulier, les inégalités sociales de santé augmentent, l’allongement de l’espérance de vie diminue (pays de l’OCDE), l’espérance de vie en bonne santé stagne et la mortalité évitable ne diminue pas à hauteur de ce que nos connaissances nous permettraient. 

Ainsi, depuis l’avènement de la médecine fondée sur les preuves, la situation est paradoxale : à mesure que les connaissances s’accumulent, l’écart entre la santé théorique (celle qui serait atteinte si l’ensemble des connaissances était appliqué) et la santé réelle (celle que l’on mesure), ne cesse de s’accroître… 

L’une des principales causes de ces résultats sous optimaux est le manque de prévention : nos systèmes de santé demeurent centrés sur le soin et sous-investissent la prévention individuelle. A titre d’exemple, en France ce sont plus de 11% du PIB qui sont investis dans le système de santé, mais moins de 1% pour la prévention (Cour des Comptes). 

Les raisons de l’insuffisance de prévention sont connues et s’expliquent par : 

  • une préférence des individus pour le présent conduisant à un sous investissement individuel d’interventions en santé ayant une latence dans leur impact : la prévention a un coût immédiat et certain pour un gain futur et incertain.
  • une incertitude sur le lien entre comportements, actions et santé entraînant une sous estimation de ses propres risques et des doutes sur l’impact bénéfique d’une intervention préventive.
  • une faible solvabilisation du marché de la prévention : nos systèmes tendent à privilégier la couverture assurantielle des gros risques au détriment de la prévention, des soins primaires et du self-care. En d’autres mots, la volonté de payer aujourd’hui pour de la prévention est très faible… 

Pourquoi investir dans la prévention ?

Si l’on considère la santé comme la définit l’OMS, comme “un état de complet bien-être physique, mental et social et ne consistant pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité”, alors de nombreuses interventions ont fait la preuve de leur efficacité pour préserver ou améliorer la santé des individus : en particulier dans le champ de l’alimentation, de l’activité physique ou du bien être psychique. 

Il existerait en Europe un potentiel de cinq à dix ans de gain d’espérance de vie en bonne santé si l’on rendait accessible des services d’accompagnement pour un montant de 300 à 500 euros par individu et par an en combinant services digitaux, hotlines, services en présentiel, coachings et interventions de professionnels de santé. (Laurent Caredda - Président d’Almerys, Revue Politique et Parlementaire)


Selon Mc Kinsey, en réinvestissant dans la santé, la charge mondiale de morbidité pourrait baisser de 40 % d'ici à 2040, avec un impact positif de 8 % sur le PIB (1400 milliards d’euros à l’échelle de l’UE) “Les deux tiers de l'impact attendu résulteraient d'un investissement plus prononcé dans la prévention. C'est un levier très positif pour le pays. Il faut changer le logiciel, qui est encore trop centré sur le curatif”.

Prévention et e-santé : en quoi le digital peut-il aider ?

Que sait-on ? 

D’un point de vue général s’agissant de l’évaluation de la m-health (qualité et sécurité, impact), les méta analyses et articles d’opinions publiés dans les revues scientifiques s’accordent sur un manque de recul et sur des méthodes d’évaluation insuffisamment robustes. Avec le développement de méthodologies adaptées et l’opportunité d’accès au remboursement par les assurances maladies en cas d’efficacité démontrée de manière robuste, les niveaux de connaissance et de preuve vont s’améliorer dans les années prochaines.

En prévention primaire (prévenir la survenue des maladies): 

  • D’une manière générale les méta analyses sur le sujets remontent des résultats divergents, mais font toutefois part d’une capacité des appli santé à influencer les comportements individuels à court terme s’agissant par exemple de l’alimentation, de l’activité physique, de l’exposition aux toxiques (tabac, alcool). Les questions de recherche qui restent en suspens ou pour lesquelles les résultats sont contradictoires portent sur la supériorité du numérique par rapport à des approches non numériques, sur la durée des effets dans le temps ou encore sur lesquelles des fonctionnalités spécifiques de ces outils à l’origine de l’effet (1). 
  • En prévention primaire, la santé digitale peut, avec un niveau de preuve affirmé : améliorer la littératie en santé et l’éducation à la santé des individus, améliorer le taux de vaccination (2), accroître la prise de conscience des individus s’agissant de leurs comportements et de leur exposition au risque (self quantification). Dans une moindre mesure, permettre de modifier des comportements à long terme.

En prévention secondaire (dépister tôt les maladies), la santé digitale peut améliorer le taux de réalisation des dépistages des cancers (3), offrir de nouvelles modalités de dépistage de nombreuses pathologies (troubles de la vision, syndrome du canal carpien, en santé mentale - dépression, dépression du post partum, épuisement professionnel, TDAH, etc.) ou diminuer les délais pour obtenir un équilibre thérapeutique.

En prévention secondaire et tertiaire des pathologies chroniques (limiter les complications et conséquences), de nombreux programme numérique de “self disease management” ont montré leur efficacité pour diminuer les facteurs de risques (tabac, surpoids, etc.) et prévenir les rechutes et complications, ajuster les traitements et augmenter l’observance des patients. C’est notamment le cas dans les champs cardiovasculaire, respiratoire, neuro-psychiatrique ou encore en oncologie. 

(1) : https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7113799/
(2):
https://mhealth.jmir.org/2017/10/e148/
(3):
https://www.jmir.org/2022/8/e36316